Nos contemporains, et plus particulière nos contemporains européens et occidentaux, sont généralement persuadés d'avoir mis le pied sur la dernière marche de l’Histoire, je veux dire, naturellement, la plus haute, celle qui permet de franchir le seuil de bien-être matériel, du confort culturel, et même de la paix spirituelle. Ne disposent-ils pas en effet désormais d'une abondance - immédiate ou promise - de biens matériels ou intellectuels, consommables sans peine (un cuillère d'hypermarché par-ci, une cuillère de bouillon de culture par-là) sans qu'on ne force plus le peuple à avaler, pour faire passer un brouet trop clair, son opium quotidien ?
Tout cela est fort admirable, mais même des esprits non chagrins commencent à désigner à l'attention quelques lézardes dans ce lunapark universels, tel que la violence, le chômage, la dénatalité, l'insalubrité publique, des épidémies de virus aussi variés que difficiles ou impossibles à soigner, l'analphabétisme, l'abrutissement télévisuel, les impostures artistiques et intellectuelles, la corruption, les fraudes en tout genre, les pollutions, et jusqu'à la disparition progressive, grâce à une industrialisation malhonnête, de toute alimentation saine et de qualité. Et naturellement, j'en passe.
Le colloque du 16 février 2000 de notre association a de nouveau réuni des universitaires donc les propos reflètent tous une même inquiétude : et si tous ces faits, loin d'être l'écume de vagues sans importance, étaient comme ces premiers craquement qui, dans le grand Nord, annoncent la grande dislocation de la banquise ?
Cahier n°5